samedi 20 novembre 2010

Dévotion populaire

M. Quiniou a rapporté en 1930, dans le Bulletin diocésain, les fruits de l'enquête qu'il mena à Lababan et aux environs au sujet de la mémoire de M. Riou. Ce qu'il en dit suggère une dévotion populaire importante :

S’il fallait citer toutes les personnes de Lababan qui ont appris de leurs traditions familiales que leur ancien recteur est mort martyr de la foi, il faudrait en appeler au témoignage de toutes les familles originaires de la paroisse.

Ce qui perpétue le souvenir et le culte de M. Riou dans la paroisse de Lababan et dans d’autres paroisses plus éloignées, c’est sa tombe, ou du moins ce que la croyance populaire considère comme sa tombe.

Pierre Le Borgne, âgé de 79 ans, du village de Kerlévy, dont le grand-père et autres ascendants ont été sacristains de Lababan pendant cent cinquante ans, affirme avoir appris de ses parents que la tombe de M. Riou est depuis longtemps en vénération dans la paroisse. Il n’a cependant pas pu nous certifier à quelle date les mères de famille ont commencé à y venir en pèlerinage avec leurs enfants malades.

[Marie-Louise] Hénaff [...], demeurant tout près de l’église, indiquait la tombe de M. Riou aux femmes des autres paroisses qui venaient y prier pour obtenir la guérison de leurs petits enfants. Elle a été souvent témoin de ces scènes et déclare que plusieurs enfants ressentaient un mieux sensible dès qu’on les avait déposés sur la tombe.

Quelques-uns pouvaient marcher d’eux-mêmes sur la pierre tombale, eux qui, auparavant, ne tenaient pas sur leurs jambes. Nous avons demandé à cette personne pourquoi l’on venait parfois de si loin, par exemple de Pluguffan, Pouldergat, Plonéis, Gourlizon, Plogastel-Saint-Germain, etc, déposer les enfants sur la tombe de M. Riou. Elle nous a répondu que M. Riou avait la réputation d’un saint, ayant été mis à mort pour la foi.

Nous lui avons objecté que peut-être cette tombe ne contenait pas les reliques de M. Riou. « Tout le monde le croit cependant », nous fut-il répondu. En tout cas, c’est lui qu’on invoque.

Source : F. Quiniou, « Tradition au sujet de M. Jean-Etienne Riou », Bulletin diocésain d’histoire et d’archéologie, Diocèse de Quimper, 1929, p. 11-18.

dimanche 14 novembre 2010

La sépulture de M. Riou

En 1929, F. Quiniou a publié un article au sujet des traditions transmises dans la paroisse de Lababan et aux alentours au sujet de M. Riou. Dans cet article, il donne son point de vue sur la sépulture du martyr. La tombe imposante qui se trouve dans le cimetière de Lababan contient-elle la dépouille de l'abbé ?

La tombe de M. Riou consiste en une simple pierre de granit, sans aucune inscription, du moins sur sa partie supérieure. Elle mesure 1 m 51 de long sur 0 m 61 de large et porte dans un de ses côtés une échancrure en forme de demi-cercle de 0 m 22 de diamètre. Une petite excavation pratiquée en dessous permet d’y faire tenir debout les enfants jusqu’à ce qu’on les fasse s’asseoir sur le demi-cercle. Cette pierre est de trop modeste apparence pour que l’on admette qu’elle ait été taillée en vue de constituer la pierre tombale de M. Riou. Elle a dû plutôt être prise sur l’une des tombes qu’aucune famille ne revendiquait, ou ce serait une pierre tombale mise au rebut, comme on en trouve dans tous les cimetières.

Le corps de M, Riou se trouve-t-il sous cette pierre, ou cette pierre tombale ne sert-elle qu’à rappeler le souvenir du recteur de la paroisse mis à mort pour la foi ? — C’est là une question qui relève de l’histoire.

Bornons-nous à rapporter ici la tradition locale.

Le sentiment presque unanime des paroissiens et des personnes étrangères à la paroisse qui viennent en pèlerinage à cette tombe est que le corps de M. Riou a été transporté de Quimper au cimetière de Lababan. A quelle date s’est faite cette translation ? Nul ne saurait le dire ; c’est là d’ailleurs une question qui ne semble intéresser personne. On est convaincu que le corps de M. Riou se trouve sous cette pierre, cela suffit au peuple qui, pour se faire une opinion, n’est pas aussi exigeant que l’historien. C’est là cependant un fait à éclaircir, pour acquérir la certitude de l’authenticité des reliques. Si l’on creuse sous cette pierre tombale, et qu’on y trouve des ossements, pourra-t-on conclure que ces ossements sont ceux de M. Riou ? Il sera toujours permis d’en douter, à moins de preuves évidentes du contraire. On a constamment enterré dans ce cimetière contemporain de l’église, et cette pierre tombale peut recouvrir d’autres restes que ceux de M. Riou.

Quelques rares personnes estiment que la dépouille mortelle de M. Riou ne peut se trouver dans ce sépulcre, vu que son corps a été jeté dans la fosse commune, au cimetière de Locmaria-Quimper. C’est là une opinion toute récente et qui ne s’appuie que sur des preuves négatives. L’auteur, dit-on, en serait l’abbé Kersaudy, ancien vicaire de Plozévet, paroisse limitrophe de Lababan, Il venait de lire au Bulletin diocésain, l’article de M. le chanoine Abgrall sur la paroisse de Lababan, où il était dit que le corps de M. Riou fut enterré au cimetière de Locmaria. De là, l’abbé Kersaudy s’empressa de conclure que les reliques du martyr ne pouvaient se trouver au cimetière de Lababan, et il fit part de son sentiment à quelques personnes de cette paroissse.

Serait-il impossible que des habitants de Lababan aient assisté à la mort de M. Riou et à son enfouissement dans le cimetière de Locmaria ? Ils avaient la plus grande vénération pour leur recteur, et ils le considéraient comme un saint, depuis qu’il avait péri sur la guillotine pour être resté fidèle à sa foi.

Pourquoi n’auraient-ils pas tenu à avoir quelques reliques du martyr ? Nous irons même plus loin, et nous demanderons : pourquoi n’auraient-ils pas, de nuit, enlevé son corps, ou ce qui était plus facile, sa tête que le couperet de la guillotine avait séparé du tronc. Ce fait s’est produit ailleurs. L’abbé Colombot, dans sa biographie du R. P. Grégoire de Saint Loup, mis à mort pour la foi le 15 janvier 1796, raconte la façon dont le P. Boudot, prêtre missionnaire, parvint à se procurer des reliques de martyr. Ce religieux avait chargé deux jeunes gens de suivre le corps du supplicié, et de bien marquer l’endroit où on le déposerait. Il se rendit tout seul au cimetière vers dix heures et demie du soir, dans l’intention d’enlever le cadavre. Ce n’est qu’au bout de trois heures d’un travail accompli à l’aide d’une simple bêche de jardinier qu’il réussit à atteindre, non la tête qu’il cherchait, mais Ies jambes du martyr. Epuisé par cette pénible besogne, il se contenta de couper les deux jambes à la hauteur des genoux, les mit dans un sac et s’enfuit avec son précieux fardeau, après avoir recouvert de terre le reste du cadavre. 

Source : F. Quiniou, « Tradition au sujet de M. Jean-Etienne Riou », Bulletin diocésain d’histoire et d’archéologie, Diocèse de Quimper, 1929, p. 11-18.

jeudi 11 novembre 2010

Une guérison inexpliquée

La figure de Jean-Etienne Riou a suscité une dévotion à Lababan et aux alentours, qui est demeurée très vivace jusqu'au XXème siècle (à notre connaissance, il n'y a plus beaucoup de chrétiens qui viennent aujourd'hui se confier à son intercession). En 1930, M. Quiniou exposait dans les colonnes du Bulletin diocésain un cas de guérison inexpliquée, qui aurait pu fournir matière à un éventuel procès en béatification :

Sur la fin d’avril 1929, M. Andro, recteur de Lababan, nous écrivit pour nous signaler un fait intéressant la cause de béatification de M. Riou. Il s’agissait d’une guérison, ou du moins d’une amélioration sensible, dans l’état d’un malade, due à une neuvaine faite au glorieux Confesseur de la foi.

Depuis 1921, Mathieu Le Henaff, du village de Kéruguel en Lababan, souffrait d’emphysème pulmonaire avec bronchite chronique. Au cours d’une poussée aiguë de cette affection, comme le relate le certificat médical ci-dessous, était survenu un pneumothorax spontané bilatéral, qui mit en danger la vie du malade.

Le recteur appelé à son chevet crut prudent de lui administrer l’Extrême-Onction, le mercredi des Cendres, 13 Février. C’est alors que les parents, les voisins et le malade lui-même commencèrent une neuvaine de prières en l’honneur de M. Riou. Tous les soirs, les gens du village qui comprend une vingtaine de feux arrivaient à la maison du malade pour prendre part à cette neuvaine. La femme de Mathieu Le Henaff se rendait chaque jour aussi au cimetière pour prier sur la tombe de M. Riou.

Le 1er dimanche du Carême, un mieux sensible se produisit dans l’état du malade. Tout danger avait disparu. La toux et l’oppression avaient brusquement cessé. Depuis, le malade semble revenir à la santé. « Si l’hiver prochain, déclare-t-il, je n’ai plus de toux, c’est que M. Riou m’a guéri. » L’avenir dira donc si réellement c’est là un cas de guérison dû à l’intercession du héros de la foi.

Le Docteur Cloître, de Plogastel-Saint-Germain, appelé de nouveau près du malade, déclare que d’après les prévisions humaines, il n’y avait pas d’espoir de guérison pour Le Henaff, et qu’il ne comprenait rien à cette amélioration survenue si brusquement dans l’état de son malade. Voici les certificats des deux médecins qui ont soigné Mathieu Le Henaff.

Certificat du Docteur Cloître. — Je soussigné, docteur en médecine, certifie avoir donné mes soins à plusieurs reprises depuis 1921 à Le Henaff Mathieu, de Kéruguel en Lababan-Pouldreuzic, pour emphysème pulmonaire et bronchite chronique. Au cours d’une poussée aiguë de cette affection en février 1929, est survenu un pneumothorax spontané bilatéral qui a mis en danger la vie du malade. Le présent certificat est délivré à titre de renseignement administratif — le 9-3-29 ».
Certifié conforme à l’original.

Certificat du docteur Penther de Quimper. — « Je soussigné, docteur Penther, médecin spécialiste des dispensaires du Finistere, certifie avoir donné mes soins à M. Mathieu Le Henaff, de Kéruguel en Lababan-Pouldreuzic, qui présentait un pneumothorax spontané bilatéral. Le 7-3-29 ».
Certifié conforme à l’original.

Source : F. Quiniou, « Tradition au sujet de M. Jean-Etienne Riou », Bulletin diocésain d’histoire et d’archéologie, Diocèse de Quimper, 1929, p. 11-18.

Compléments : Matthieu Le Hénaff, qui avait 36 ans en 1929, a survécu à sa maladie plus de dix ans. Il est décédé en novembre 1942, à l'âge de 49 ans. Dans sa famille, on garde le souvenir qu'il a été atteint d'une maladie très grave, mais non la mémoire de ce que sa guérison aurait pu être due à l'intercession de l'abbé Riou. Affaire classée sans suite, donc.

La photo provient du magnifique Atlas des Croix et Calvaires du Finistère et représente le calavaire de Craos-Vao, à Keruguel, à quelques dizaines de mètres de la ferme où résidait Mathieu Le Hénaff.