dimanche 14 novembre 2010

La sépulture de M. Riou

En 1929, F. Quiniou a publié un article au sujet des traditions transmises dans la paroisse de Lababan et aux alentours au sujet de M. Riou. Dans cet article, il donne son point de vue sur la sépulture du martyr. La tombe imposante qui se trouve dans le cimetière de Lababan contient-elle la dépouille de l'abbé ?

La tombe de M. Riou consiste en une simple pierre de granit, sans aucune inscription, du moins sur sa partie supérieure. Elle mesure 1 m 51 de long sur 0 m 61 de large et porte dans un de ses côtés une échancrure en forme de demi-cercle de 0 m 22 de diamètre. Une petite excavation pratiquée en dessous permet d’y faire tenir debout les enfants jusqu’à ce qu’on les fasse s’asseoir sur le demi-cercle. Cette pierre est de trop modeste apparence pour que l’on admette qu’elle ait été taillée en vue de constituer la pierre tombale de M. Riou. Elle a dû plutôt être prise sur l’une des tombes qu’aucune famille ne revendiquait, ou ce serait une pierre tombale mise au rebut, comme on en trouve dans tous les cimetières.

Le corps de M, Riou se trouve-t-il sous cette pierre, ou cette pierre tombale ne sert-elle qu’à rappeler le souvenir du recteur de la paroisse mis à mort pour la foi ? — C’est là une question qui relève de l’histoire.

Bornons-nous à rapporter ici la tradition locale.

Le sentiment presque unanime des paroissiens et des personnes étrangères à la paroisse qui viennent en pèlerinage à cette tombe est que le corps de M. Riou a été transporté de Quimper au cimetière de Lababan. A quelle date s’est faite cette translation ? Nul ne saurait le dire ; c’est là d’ailleurs une question qui ne semble intéresser personne. On est convaincu que le corps de M. Riou se trouve sous cette pierre, cela suffit au peuple qui, pour se faire une opinion, n’est pas aussi exigeant que l’historien. C’est là cependant un fait à éclaircir, pour acquérir la certitude de l’authenticité des reliques. Si l’on creuse sous cette pierre tombale, et qu’on y trouve des ossements, pourra-t-on conclure que ces ossements sont ceux de M. Riou ? Il sera toujours permis d’en douter, à moins de preuves évidentes du contraire. On a constamment enterré dans ce cimetière contemporain de l’église, et cette pierre tombale peut recouvrir d’autres restes que ceux de M. Riou.

Quelques rares personnes estiment que la dépouille mortelle de M. Riou ne peut se trouver dans ce sépulcre, vu que son corps a été jeté dans la fosse commune, au cimetière de Locmaria-Quimper. C’est là une opinion toute récente et qui ne s’appuie que sur des preuves négatives. L’auteur, dit-on, en serait l’abbé Kersaudy, ancien vicaire de Plozévet, paroisse limitrophe de Lababan, Il venait de lire au Bulletin diocésain, l’article de M. le chanoine Abgrall sur la paroisse de Lababan, où il était dit que le corps de M. Riou fut enterré au cimetière de Locmaria. De là, l’abbé Kersaudy s’empressa de conclure que les reliques du martyr ne pouvaient se trouver au cimetière de Lababan, et il fit part de son sentiment à quelques personnes de cette paroissse.

Serait-il impossible que des habitants de Lababan aient assisté à la mort de M. Riou et à son enfouissement dans le cimetière de Locmaria ? Ils avaient la plus grande vénération pour leur recteur, et ils le considéraient comme un saint, depuis qu’il avait péri sur la guillotine pour être resté fidèle à sa foi.

Pourquoi n’auraient-ils pas tenu à avoir quelques reliques du martyr ? Nous irons même plus loin, et nous demanderons : pourquoi n’auraient-ils pas, de nuit, enlevé son corps, ou ce qui était plus facile, sa tête que le couperet de la guillotine avait séparé du tronc. Ce fait s’est produit ailleurs. L’abbé Colombot, dans sa biographie du R. P. Grégoire de Saint Loup, mis à mort pour la foi le 15 janvier 1796, raconte la façon dont le P. Boudot, prêtre missionnaire, parvint à se procurer des reliques de martyr. Ce religieux avait chargé deux jeunes gens de suivre le corps du supplicié, et de bien marquer l’endroit où on le déposerait. Il se rendit tout seul au cimetière vers dix heures et demie du soir, dans l’intention d’enlever le cadavre. Ce n’est qu’au bout de trois heures d’un travail accompli à l’aide d’une simple bêche de jardinier qu’il réussit à atteindre, non la tête qu’il cherchait, mais Ies jambes du martyr. Epuisé par cette pénible besogne, il se contenta de couper les deux jambes à la hauteur des genoux, les mit dans un sac et s’enfuit avec son précieux fardeau, après avoir recouvert de terre le reste du cadavre. 

Source : F. Quiniou, « Tradition au sujet de M. Jean-Etienne Riou », Bulletin diocésain d’histoire et d’archéologie, Diocèse de Quimper, 1929, p. 11-18.

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