jeudi 22 juillet 2010

Eléazar

On aura remarqué, dans la notice de l’abbé Téphany, une référence sans doute obscure pour beaucoup : l’abbé Riou est appelé « nouvel Eléazar ». La référence est biblique : elle renvoie au second Livre des Martyrs d’Israël, dans l’Ancien Testament. Eleazar est un vieillard qui refusa d’acheter sa vie au prix d’un subterfuge. Tel est aussi le mérite de l’abbé Riou, dont l’apparence extérieure aurait pu donner à penser qu’il était sexagénaire, mais qui refusa de bénéficier du traitement de faveur qu’il aurait pu obtenir par le mensonge.

En 167 avant J.C., le roi séleucide Antiochos IV de Syrie interdit la religion juive et remplace, dans le Temple de Jérusalem, l’autel de Yahvé par un autel consacré à Zeus. En avril, un édit de persécution est publié. L’Athénien Géronte, délégué royal, impose l’hellénisation du culte et des mœurs à Jérusalem comme en Samarie. Les juifs sont contraints par la force à renoncer à leurs coutumes.


Voici l'extrait du second livre des Martyrs d'Israël :

Éléazar, un des premiers docteurs de la Loi, homme déjà avancé en âge et du plus noble extérieur, était contraint, tandis qu'on lui ouvrait la bouche de force, de manger de la chair de porc. Mais lui, préférant une mort glorieuse à une existence infâme, marchait volontairement au supplice de la roue, non sans avoir craché sa bouchée, comme le doivent faire ceux qui ont le courage de rejeter ce à quoi il n'est pas permis de goûter par amour de la vie. Ceux qui présidaient à ce repas rituel interdit par la loi le prirent à part, car cet homme était pour eux une vieille connaissance; ils l'engagèrent à faire apporter des viandes dont il était permis de faire usage, et qu'il aurait lui-même préparées; il n'avait qu'à feindre de manger des chairs de la victime, comme le roi l'avait ordonné, afin qu'en agissant de la sorte, il fût préservé de la mort et profitât de cette humanité due à la vieille amitié qui les liait. Mais lui, prenant une noble résolution, digne de son âge, de l'autorité de sa vieillesse et de ses vénérables cheveux blanchis dans le labeur, digne d'une conduite parfaite depuis l'enfance et surtout de la sainte législation établie par Dieu même, il fit une réponse en conséquence, disant qu'on l'envoyât sans tarder au séjour des morts. "À notre âge, ajouta-t-il, il ne convient pas de feindre, de peur que nombre de jeunes, persuadés qu'Éléazar aurait embrassé à 90 ans les moeurs des étrangers, ne s'égarent eux aussi, à cause de moi et de ma dissimulation, et cela pour un tout petit reste de vie. J'attirerais ainsi sur ma vieillesse souillure et déshonneur, et quand j'échapperais pour le présent au châtiment des hommes, je n'éviterai pas, vivant ou mort, les mains du Tout-Puissant. C'est pourquoi, si je quitte maintenant la vie avec courage, je me montrerai digne de ma vieillesse, ayant laissé aux jeunes le noble exemple d'une belle mort, volontaire et généreuse, pour les vénérables et saintes lois."

Ayant ainsi parlé, il alla tout droit au supplice de la roue, mais ceux qui l'y conduisaient changèrent en malveillance la bienveillance qu'ils avaient eue pour lui un peu auparavant, à cause du discours qu'il venait de tenir et qui à leur point de vue était de la folie. Lui, de son côté, étant sur le point de mourir sous les coups, dit en soupirant : "Au Seigneur qui a la science sainte, il est manifeste que, pouvant échapper à la mort, j'endure sous les fouets des douleurs cruelles dans mon corps, mais qu'en mon âme je les souffre avec joie à cause de la crainte qu'il m'inspire." Il quitta donc la vie de cette manière laissant dans sa mort, non seulement à la jeunesse, mais à la grande majorité de la nation, un exemple de courage et un mémorial de vertu. (2 M 6, 18-31)

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