mardi 20 juillet 2010

Lectio antiquior

Voici la plus ancienne notice que je connaisse au sujet de l'abbé Riou. Elle a été publiée en 1821, ce qui laisse supposer que les éléments ont été recueillis une vingtaine d'années seulement après les événements de 1794. Il est permis de la considérer comme la plus sûre. Pourtant, elle porte déjà la trace de la légende selon laquelle l'abbé avait 59 ans au jour de sa condamnation.

Riou (Jean-Etienne), curé de Lababan, près Quimper, dans le diocèse de ce nom, où il était né en 1735, ayant refusé le serment schismatique, avait néanmoins pu continuer de pourvoir au salut de ses paroissiens. La loi de déportation ne l’arracha point à cette importante occupation ; et il fut pris par les persécuteurs, au commencement de 1794. Ils l’enfermèrent dans les prisons de Quimper ; et le tribunal criminel du département du Finistère, qui siégeait en cette ville, le fit comparaître pour le juger, le 26 ventôse au II (16 mars 1794). L’accusateur public requit contre lui la peine de mort, démontrant qu’il était « prêtre réfractaire, et qu’il n’avait pas obéi à la loi de déportation ». Quelques membres du tribunal, désirant le sauver, lui firent suggérer de se prévaloir de son âge de 59 ans, pour qu’ils pussent le regarder comme étant du nombre des sexagénaires, que la loi du 26 août 1792 avait exemptés de l’exil, à la condition de subir la peine de la réclusion. Mais le curé Riou, n’étant pas encore sexagénaire, n’aurait pu employer cet expédient qu’en altérant la vérité. Il refusa d’acheter sa vie à ce prix ; et sa franchise évangélique alla, dans cette circonstance, jusqu’à l’héroïsme le plus généreux. Le président, qui lui-même voulait le favoriser par un tel moyen, l’ayant, suivant la coutume, interrogé sur son âge, et le respectable pasteur ayant répondu qu’il avait 59 ans, lui répliqua : « Vous vous trompez ; car nous avons étudié ensemble ; vous étiez plus âgé que moi, et comme j’ai cinquante-neuf ans et deux ou trois mois, vous devez en avoir soixante. » Mais ce subterfuge était repoussé par la conscience délicate du curé Riou : il déclara qu’il ne les avait réellement pas ; et le tribunal se crut forcé par la loi de l’envoyer à l’échafaud comme « prêtre réfractaire ». Il mourut bien évidemment Martyr de la religion, et en particulier de son parfait amour pour la vérité.


Abbé Aimé Guillon de Montléon, Les martyrs de la foi chrétienne pendant la révolution française (ou Martyrologe des pontifes, prêtres, religieux, religieuses, laïcs de l’un et l’autre sexe, qui périrent alors pour la foi), Paris, Germain Mathiot, 1821, 4 volumes. (4e volume, p. 471)

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